Lors d’un séminaire à Dakar, un pasteur et un imam proposent le dialogue interreligieux pour promouvoir la paix

Pasteur James Wuye et Imam Muhammad Ashafa, co-directeur de Interfaith Mediation Center à Kaduna (Nigéria), lors d’un séminaire du Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’ouest (RASALAO), à Dakar (Sénégal) le 6 août 2023/Charles Ayetan

Plusieurs pays d’Afrique sont en conflits, ouverts ou latents, dont certains seraient causés par des divergences ethniques ou religieuses. Co-directeur de Interfaith Mediation Center à Kaduna, dans le nord du Nigéria, l’imam Muhammad Ashafa et le pasteur James Wuye de Kaduna, ont animé une conférence le 4 août à Dakar (Sénégal) lors d’un séminaire du Réseau d’action sur les armes légères en Afrique de l’ouest (RASALAO). Ils proposent une stratégie basée sur la médiation interreligieuse pour promouvoir la paix et la réconciliation.

Quelle est la part de la médiation interreligieuse dans la prévention et la résolution des conflits ?

Pasteur James Wuye : Selon des enquêtes, les chefs religieux en Afrique sont bien plus influents que les politiciens ou toute autre composante de nos sociétés. Ils sont donc les garants des valeurs de la société, de même que les chefs traditionnels. L’Afrique est très sensible en matière de religion et les Africains très attentifs aux déclarations des autorités religieuses. Le rôle de ces dernières dans la prévention et la résolution des conflits ne doit pas être sous-estimé.

En effet, lors des cultes, messes et prières, le peuple écoute les messages de coexistence que nous leur adressons. Notre rôle est à la fois préventif et curatif, et doit permettre de construire des communautés réconciliées au sein de sociétés divisées, à partir des enseignements fondés sur la bible ou le coran, ou encore à partir des valeurs traditionnelles. Tout religieux qui ne travaille pas pour la paix et la réconciliation a échoué dans ses responsabilités.

Quelle analyse faites-vous des causes des conflits en Afrique ?

Imam Muhammad Ashafa : Nous avons constaté que les politiciens utilisent les religions pour nous diviser, mais restent de bons amis quand ils se retrouvent au sein des diverses instances. Au contraire, les religions nous enseignent la non-violence. Les gens abusent des religions et causent la confusion et la désolation. Il est alors temps pour ces derniers de changer de comportement, de renoncer aux manipulations, pour aimer et non haïr. En islam, le prophète Mohammed nous enseigne la non-violence et moi j’ai décidé de choisir la non-violence, en privilégiant le dialogue, le débat, la confrontation.

On ne peut pas promouvoir la vengeance au nom du Dieu de compassion. Car Jésus nous a dit, dans l’Évangile de Matthieu d’aimer et non de haïr : aime ceux qui te haïssent et prie pour ceux qui te persécutent. Il est donc temps pour nous leaders religieux de jouer notre rôle crucial de bâtisseur de ponts en vue de la paix.

Quelle stratégie pour prévenir et promouvoir la paix ?

Pasteur James Wuye : La stratégie adéquate est d’amener les évêques, les prêtres, les pasteurs, les imams, et tous les chefs religieux à approfondir leurs connaissances dans les saintes écritures, mais aussi en matière des valeurs humaines. Au Centre de médiation interreligieuse de Kaduna, nous enseignons aux leaders religieux à prévenir ou résoudre les conflits et à réconcilier les peuples. Dans la Bible, Hébreux 12,14-15, il est écrit « Recherchez activement la paix avec tous, et la sainteté sans laquelle personne ne verra le Seigneur »…

Imam Muhammad Ashafa : L’éducation à la paix est notre stratégie et je recommande aux jeunes quatre principes de vie. Chers jeunes, vous devez avoir : l’honnêteté absolue en toute chose ; la pureté absolue, un esprit pur et un cœur pur ; un désintéressement absolu, sans être cupide ou gourmand ; un amour inconditionnel envers tous les êtres humains. Alors vous vivrez dans la paix.

Ilerama Media, avec La Croix Africa