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Mouvement protestataire de 2012-2013 en Égypte

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Mouvement protestataire de 2012-2013 en Égypte
Description de l'image Tahrir Square on Novemeber 27 2012 (Morning).jpg.
Informations
Date -
Localisation Le Caire, Alexandrie, Suez Port-Saïd, Mansourah, Tanta, Louxor, El-Arich (Sinaï)
Caractéristiques
Revendications Démission de Mohamed Morsi
Bilan humain
Morts 57
Blessés 344

Un mouvement protestataire de grande ampleur en Égypte débute le deux ans après une révolution. Des millions de manifestants réclament la démission immédiate du président Morsi, qu'ils accusent de dérive autoritaire et de mener une politique dans le seul intérêt de son organisation, les Frères musulmans, mais aussi en raison de l'aggravation des problèmes politiques, économiques et sociaux sous sa présidence.

Contexte

En , éclate une révolution qui pousse, le suivant, Hosni Moubarak, à la tête du pays depuis 1981, à la démission. L'armée s'empare alors des pouvoirs législatif et exécutif. Le mois suivant, les Égyptiens valident par référendum une réforme de la Constitution qui prévoit une transition rapide vers un pouvoir civil élu. En , de nouvelles violences éclatent, faisant plusieurs morts et conduisant l'armée à accélérer le transfert du pouvoir.

Lors des élections législatives de 2011-2012, les islamistes remportent la majorité des sièges. Le , à l'issue du second tour de l'élection présidentielle, l'islamiste Mohamed Morsi est élu président de la République arabe d'Égypte avec 51,7 % des voix face à Ahmed Chafik, ancien Premier ministre de Moubarak. Le nouveau chef de l'État ne parvient pas à résoudre les problèmes que rencontre le pays et est vivement contesté, à la fin de l'année 2012, à la suite d'une déclaration constitutionnelle lui conférant la possibilité de légiférer par décret et d'annuler des décisions de justice en cours. Il fait ensuite adopter une modification de la Constitution qui, selon l'opposition, ouvre la voie à des interprétations rigoristes de l'islam et offre peu de garanties pour certaines libertés.

Manifestations

Manifestants anti-Morsi le 28 juin 2013 au Caire
Femmes voilées manifestant pour réclamer le départ de Mohamed Morsi

Le , des dizaines de milliers de manifestants se rassemblent place Tahrir, au Caire, et aux alentours du palais présidentiel, tandis que d'autres manifestations se tiennent dans les villes d'Alexandrie, Port-Saïd et Suez. Initialement pacifiques, celles-ci deviennent violentes après la mort d'opposants à Morsi. Le , le quartier général des Frères musulmans au pouvoir est pris par les manifestants et dans le même temps, plusieurs ministres annoncent leur démission. L'armée égyptienne met fin aux fonctions de Mohamed Morsi le , et annonce la tenue prochaine d'élections présidentielle et législatives. Adly Mansour est nommé président par intérim.

Agressions sexuelles et viols

Lors des manifestations d'opposants à Morsi, place Tahrir, l'association Human Rights Watch a recensé 91 agressions sexuelles ou viols (vêtements arrachés, attouchements, viols collectifs) sur ou aux alentours de la place entre le 28 juin et le 2 juillet 2013, malgré la constitution de groupes d'individus visant à protéger les militantes de ces agressions. Certaines femmes auraient été « battues avec des chaînes métalliques, des bâtons, des chaises, et attaquées avec des couteaux[1] », et plusieurs journalistes étrangères font partie des victimes.

Le mouvement Tamarod jusqu'à la destitution du président Morsi

Tamarod ou Tamarrud (تمرد , « rébellion ») a été l'un des déclencheurs des manifestations égyptiennes populaires de juin et juillet 2013 qui ont précédé la destitution du président égyptien le 3 juillet 2013. Il s'agit d'un mouvement populaire qui a été fondé par 5 activistes opposants au régime le 28 avril 2013, dans le but d'obtenir l'organisation d' élections présidentielles anticipées. Leur but visait à réunir 15 millions de signatures (noms, adresses et numéros de cartes d'identité) au 30 juin 2013, jour anniversaire d'un an de présence au pouvoir du président.

De nombreux relais bénévoles se sont mis en place pour la récolte des signatures dans les rues, les places, aux feux routiers, sur les places de travail, dans les transports publics, les universités, les quartiers des villes égyptiennes. Lors d'une interview Naguib Sawiris, chrétien copte et homme d'affaires influent, a déclaré à Reuters qu'il a supporté le mouvement grâce à sa station de télévision et son journal Al-Masri Al-Youm et les trois partis libres égyptiens qu'il avait fondés[2].

Le porte-parole du mouvement, Mahmoud Badr[3] annonce le 29 juin le résultat de la pétition : 22 134 360 signatures. Les listes ont été remises à la Haute Cour constitutionnelle comme preuves de la légitimité du mouvement.

Le mouvement lance alors un ultimatum au président Morsi en demandant sa démission avant le 2 juillet 2013. Il soutiendrait le cas échéant l'intérim de Maher el-Beheiry, ancien président de la Haute Cour constitutionnelle. En cas de refus du président Morsi, une campagne de désobéissance civile serait initiée[4].

Le 30 juin, des manifestations massives ont lieu dans tout le pays contre le pouvoir et pour la démission du président [5]. L'armée estime à « plusieurs millions » le nombre de manifestants anti-Morsi a déclaré à l'AFP une source militaire, qui a ajouté « Il s'agit de la plus grande manifestation dans l'histoire de l'Egypte ». La coalition de l'opposition égyptienne appelle les manifestants à rester dans la rue jusqu'à la démission du régime "dictatorial" du président Morsi, accusé de gouverner au seul profit des islamistes et de laisser l'économie s'effondrer[6]. Le 1er juillet, plusieurs membres du gouvernement démissionnent.

Le 2 juillet, le parti salafiste Nour lance un « appel salafiste »[7] avec trois revendications majeures : la tenue d'élections anticipées, la formation d'un gouvernement technocratique et la formation d'un comité chargé de l'examen des amendements constitutionnels.

Compte tenu de la gravité, de la dégradation de la situation et de la violences qui s'installe entre les "pro et anti-Morsi", malgré le déploiement des forces policières et militaires, le chef d'état-major de l'armée égyptienne donne 48 heures aux forces en conflit pour trouver un accord, à défaut de quoi une « feuille de route » sera imposée par l'armée qui précise « qu'elle ne veut pas s'impliquer dans la politique du pays ou dans le gouvernement »[8].

Les supporters du mouvement Tamarod

En plus d'un nombre important de citoyens égyptiens, le mouvement Tamarod est soutenu par les groupes ou partis Shayfeencom, Le Mouvement Kefaya, Le Front du Salut National [9] et le Mouvement de la jeunesse du 6 avril. Nabil Naem, un ancien responsable du Jihad islamique égyptien se joint aux manifestations[10] et le parti modéré islamiste fondé par Abdel Moneim Abul Fotouh (parti pour une Égypte forte - Strong Egypt Party) déclare qu'il soutient le mouvement et demande le 18 juin 2013 des élections anticipées tout en redoutant un coup d'état militaire. Ce parti ne fera pas partie de la coalition qui renversera le président[11].

El-Baradei, un des leaders du Front du Salut National (FSN) va même jusqu'à annoncer que les anciens membres du Parti national démocratique(PND), dissout en avril 2011, seraient acceptés sous la condition « de n'avoir pas été accusés de crime sous le régime Moubarak »[12].

Les opposants au mouvement Tamarod

Les supporters du président ou ex-président Morsi, dont les membres de la confrérie des Frères musulmans et toutes les autres organisations islamistes lancent deux contre-campagnes appelées Mu'ayyed (supporters) and Tagarrod (impartialité) et réunissent 11 millions de signatures en faveur de Mohamed Morsi le 20 juin. Certains d'entre eux critiquent vivement le mouvement Tamarod en dénonçant une manipulation de la volonté du peuple et lui reprochent d'être au service des forces de la contre-révolution qui soutiennent l'ancien régime Moubarak.

Conséquences

Le 3 juillet, l'armée égyptienne et une coalition d'opposants, à la suite d'un ultimatum, renversent le président Mohamed Morsi qui est destitué[13],[14].

Réactions internationales

Union européenne

Malgré les signes avant-coureurs qui se manifestaient depuis plusieurs mois, l'Union Européenne semble avoir été prise de court face à l'ampleur des évènements. Les premières réactions se sont faites à chaud, sans recul ni analyse claire et se sont basées sur des rapports, des titres et des images ravageurs de médias [15],[16],[17] qui ont entraîné une grande confusion.

Wagdi Sabète[18], Maître de conférences à la faculté de droit de la Rochelle, écrit le 14 août 2013 [19] à propos des réactions en France : « Je n’ai pas souvent constaté dans la presse française une analyse politique qui tient compte de la volonté de ce peuple magistralement exprimée 3 fois, le 30 juin, les 3 et 26 juillet. D’où ces commentateurs ont-ils donc tiré leur conclusion ? (...) Les intellectuels invités dans les médias français n’ont pas encore compris que la splendeur de la fête en Egypte va au-delà de leurs clichés. Il ne s’agit pas d’inventer la vérité, mais de s’y hisser et de s’y agripper … On y tient comme on tient un mât au milieu des vagues déchaînées. Vouloir à tout prix réduire la complexité à la taille de leur esprit, voilà où se trouve la grande erreur ! ».

La condamnation a été pratiquement unanime à l'encontre de la coalition égyptienne qui remettait en cause un président élu démocratiquement ainsi que de l'armée et de la police accusées de violences excessives dans la répression des manifestations. « C’est forcément un aveu d’échec quand un président démocratiquement élu est destitué », a déclaré François Hollande. Il a plus tard appelé à de nouvelles élections en Égypte[20]. Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, a souligné durant une conférence de presse avec le ministre du Qatar "la nécessité de parvenir à une solution rapide à la crise et que cette solution appartenait uniquement aux Egyptiens".

Le 15 août, à Paris, l'ambassadeur égyptien Mohamed Moustafa Kamal a été convoqué « pour qu'il transmette à ses autorités la très grande préoccupation de la France face aux évènements tragiques intervenus dans son pays » (communiqué de l'Elysée).

Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne a déclaré: « J'ai été en contact constant avec les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et j'ai demandé aux représentants des États membres de débattre et coordonner les mesures appropriées qui doivent être prises par l'Union européenne en réponse à la situation en Égypte »[20].

Le 21 août 2013, L'Union européenne a suspendu la livraison au nouveau régime égyptien d'équipements de sécurité et d'équipements pouvant être utilisés dans le cadre de la répression interne (Mais l'impact des ces mesures sera très limité car les premiers fournisseurs sont les États-Unis[21]), sans pour l'instant toucher à l'aide à la population afin de continuer à aider le pays à sortir de la crise. Les ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l'UE, en réunion extraordinaire, ont, d'après l'un des diplomates, voulu envoyer « un message équilibré ». Ils ont « condamné dans les termes les plus clairs tous les actes de violence » qui ont provoqué de nombreuses victimes depuis une semaine. « L'UE considère que les opérations récemment menées par les forces de sécurité égyptiennes ont été disproportionnées et ont entraîné un nombre inacceptable de morts et de blessés ». Une condamnation forte a été exprimée concernant « les actes de terrorisme tels que le meurtre de policiers au Sinaï, la destruction de nombreuses églises et la prise pour cible de la communauté copte ». Les responsables de la plupart de ces attaques seraient les partisans des Frères musulmans du président déchu Mohamed Morsi[22].

Les Européens ont décidé de suspendre « les licences d'exportation pour les équipements pouvant être utilisés dans le cadre de la répression interne », comme les armements légers utilisés par les forces de police. Sur le plan militaire, « la coopération sera réexaminée », alors que la plupart des pays européens ont déjà décidé de suspendre leurs fournitures d'armes. Mais l'impact des ces mesures sera très limité car l'armée égyptienne se fournit surtout auprès d'autres pays, États-Unis en tête[23].

Turquie

La Turquie a condamné les violences et appelé à une réunion urgente du Conseil de sécurité des Nations unies[24].

États-Unis

Le président Obama a travaillé avec Mohamed Morsi depuis son élection. L'aide économiques des ÉUA avait été toutefois dimininuée pour raisons d'infractions aux droits de l'homme. Le 1er juillet, il a exprimé son sentiment à M. Morsi en lui disant : « la démocratie, ce n'est pas seulement des élections ». Il s'est dit « profondément préoccupé » par la destitution du président égyptien et la suspension de la constitution. Il n'a cependant pas prononcé le mot « coup d’État » durant ses interventions et a demandé au chef de l'armée égyptienne de rendre le pouvoir au peuple le plus rapidement possible pour des élections démocratiques[25].

Les relations entre Washington et les nouveaux gouvernants en Égypte se sont tendues à la suite des graves exactions, du bilan des victimes et des arrestations qui se sont produites pendant plusieurs semaines. La Maison Blanche, le Département d’État et le Pentagone ont discuté sur la décision de stopper ou non l'aide financière accordée à l'armée égyptienne ; l’Égypte ayant été un allié depuis plus de 30 ans (1,23 milliards de dollars américains pour l'assisance militaire et 241 millions de dollars pour l'aide économique). Par la suite, les autorités américaines ont confirmé que pour l'instant aucune action ne serait prise en dehors de l'annulation des exercices militaires coordonnés par les deux armées dans le Sinaï, qui ont lieu deux fois par an, et l'arrêt de la fourniture de quatre jets militaires F-16 (décisions prises par le président Obama). Le porte-parole de la Maison Blanche, Josh Earnest, a déclaré que les relations avec l’Égypte sont étudiées compte tenu des évènements. Un ancien responsable du gouvernement des États-Unis a souligné que le coût de la facture pour son pays dans le cas de suppression de l'aide financière à l'armée égyptienne pourrait atteindre 3 milliards de dollars (deux pays seulement peuvent commander de l'armement aux États-Unis sans passer par l'approbation du Congrès : Israël et l’Égypte)[26].

Notes et références

  1. Égypte / manifestations : près d'une centaine d'agressions sexuelles et viols RTL.fr en ligne, 3 juillet 2013
  2. Special report: How the Muslim Brotherhood lost Egypt, Egypt Independent, 25 juillet 2013
  3. Tamarod: The Organization of a Rebellion, Hussein, Dina, Middle East Institute, reportage vidéo
  4. Is the clock ticking for Mursi? Opposition sets deadline for his ouster, Al Arabiya en ligne, 1er juillet 2013
  5. [http://www.lemonde.fr/afrique/article/2013/06/30/l-egypte-se-prepare-a-des-manifestations-a-haut-risque_3439189_3212.html Égypte, manifestations massives contre le pouvoir, Le Monde en ligne, 1er juillet 2013
  6. Égypte: manifestations monstres contre le président Morsi, deux morts, La Dépêche en ligne, 30 juin 2013
  7. Egypt's Salafist Call, Nour Party calls for early presidential polls Al-Ahram online, 2 juillet 2013
  8. Egypt's army gives parties 48 hours to resolve crisis, BBC online, 1er juillet 2013
  9. Égypte: un "Front de salut national" créé par l'opposition, IRIB en ligne, 25 novembre 2012
  10. Former Jihadist leader plans to participate in 30 June protests, Al-Ahram online. 13 juin 2013
  11. Strong Egypt Party supports protest on 30 June, opposes military coup Al-Ahram online, 18 juin 2013
  12. Egypt opposition opens to former autocrat's party, Al-Arabiya, 22 juin 2013
  13. Alain Gresh, « En Egypte, la révolution à l’ombre des militaires : Répression des Frères musulmans, crise de l’islam politique », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  14. Suivez la crise politique en Égypte, Le Figaro en ligne, 6 juillet 2013
  15. L'Égypte sombre dans la violence et la sédition, Le Monde en ligne, 6 juillet 2013
  16. Égypte : l'évacutation des pro-Morsi se transforme en un bain de sang, Mediapart, 14 août 2013
  17. Égypte : un coup d'État planifié par les militaires, Le Monde en ligne, 6 juillet 2013
  18. Docteur d'État en droit public de l'Université du Caire et docteur en droit de la Faculté de droit de l'Université Montesquieu Bordeaux 4
  19. La démocratie, expression de la souveraineté d'un peuple, Wagdi Sabète, Al-Ahram Hebdo en ligne, 14 août 2013
  20. a et b En direct : les événements en Égypte, Le Figaro en ligne, 14 août 2013 (mis à jour le 19 août 2013)
  21. Égypte : les Européens haussent (un peu) le ton, Le Journal du dimanche en ligne, 21 août 2013
  22. Égypte : les Européens haussent (un peu) le ton, Le Journal du dimanche en ligne, 21 août 2013
  23. Les Européens sanctionnent a minima le nouveau pouvoir Egyptien, Le Monde en ligne, 22 août 2013
  24. Égypte - La France appelle à éviter une guerre civile, Les Échos en ligne, 15 août 2013
  25. http://www.lemonde.fr/international/article/2013/07/04/barack-obama-piege-par-le-retournement-de-situation-en-egypte_3441636_3210.html Barack Obama piégé par le retournement de situation en Égypte, Le Monde en ligne, 4 juillet 2013
  26. U.S. takes tougher line with Egypt but denies aid cut, Reuters, 20 août 2013

Complément

Voir aussi

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